• Que l'attente est longue. Une heure à peine que je suis sortie, et je languis une réponse, un appel, un signe de leur part. Au chomage depuis plus d'une semaine, je suis désocialisée, destructurée, et insensible à la beauté du temps. Je déplorais le manque de temps libre, maintenant je déplore l'inactivité. J'ai enchainé les entretiens d'embauche comme une goulue, allant jusqu'à jongler avec mon emploi du temps. Deux, trois entretiens dans la journée, furent autant de réponses négatives, d'échecs, de désillusions, et d'amertume de ma part. Pourquoi est-ce que cela n'abouti pas ? je serais si fière d'appeler mon père pour lui dire que voilà, j'ai été retenue enfin ! j'aimerais tant annoncer à l'homme de ma vie que j'ai été choisie, que nous travaillerons ensemble pour réussir et avancer. Seulement pour l'instant, je suis une femme au foyer sans enfant. Je ne fais rien. Je me lève tard. Je me couche tard et suis victime récente d'insomnies atroces. Mes journées sont rythmées par de très hypothétiques entretiens qui pourraient donner un sens à mon avenir proche, mais tout cela sans succès.

    Je me revois, huit mois tantôt, quand j'étais au chomage, et je le suis restée 3 mois. Je n'étais plus la même. J'étais seule, à l'image de Robinson sur une île déserte. Mes journées étaient faites d'un rien relatif. Je m'abrutissais dans le sport, chose que je ne fais même plus désormais. 

    A la fin de ces 3 mois de chomage, j'en étais réduite à dormir la journée pour occuper mon temps. Je n'avais aucun but. Rien n'aboutissait. Tout me pesait. Je ne voudrais pas revivre cette épreuve sans nom. Et subir le regard désolé et à la fois inquiet de l'homme de ma vie, qui lui travaille et ne pourra aimer qu'une femme active, qui en veut, qui avance. Je l'ai été pendant 8 mois, j'ai failli y laisser la santé, dans une entreprise inhumaine où j'ai vu les pires agissements, la pire des mentalités, pour moi c'était l'Enfer sur terre, où le mal triomphait, où le bien trépassait.  


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  • Ce soir, je suis à la maison. Rentrée tôt, je pensais encore m'abrutir devant le petit écran, mais je me surprends à vouloir sortir, profiter de la nuit, des strass, des paillettes, sans me soucier du lendemain.

    Ma vie n'est pas faite de grand chose en ce moment. Après 7 mois de souffrance, d'asservissement, j'ai perdu mon travail. "Hop, on passe au numéro 27", on claque la porte, je pars, et place à la suivante. Je la plains profondément. Entourée de requins sans scrupules, de manipulateurs, et de clowns sinistres. Finalement, ne suis-je pas mieux à la maison ? Mais la "mama parfaite" que j'étais devenue, avide de ménage et de soirées oisives, a fait place à une jeune frustrée friande de sorties tumultueuses, de rencontres et d'imprévus. Normal : je dors "toute la journée". Façon de parler bien entendu. Je m'occupe, mais ne vois personne et n'éprouve une fatigue que morale. Car mon activité physique est au minimum.

     


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  • Allez, jeudi soir, presque vendredi ... j'ai tenu une semaine, pas eu envie de ne pas me lever, pas eu envie de faire sauter une journée de boulot malgré la perpective inconfortable de voir mon salaire amputé d'une jambe ... mais comme je me languis d'être vendredi soir ... me dire que demain, je ne serai pas au bureau à trainer mes guêtres sans but, et sans raison. A me morfondre et me traiter d'idiote parce qu'on est parvenu à me convaincre que je le suis.

    Ce soir mon homme a fait le tri dans ses vieilles photos poussiéreuses ... je pensais qu'il avait tout effacé de son ex, celle "juste avant moi". C'est du moins ce qu'il m'avait laissé penser, ou croire. En réalité, des dizaines de photos gisaient là, bien vivantes, bien vraies. Son ex en randonnée, son ex assise dans l'herbe, son ex en soirée, son ex de dos (eh oui !), son ex qui le prennait en photo , lui torse nu (!), dans la tente (!!!) qu'ils avaient planté en pleine nature (!!!!!!) un soir d'été -là, ce fut TROP.

    Ca m'a fait mal. J'ai de la peine à figurer ce passé pourtant légitime. Mais voir qu'en deux mois il a pu réaliser des centaines de photos, et qu'avec moi en un an, il n'en a fait que quelques unes, me renvoit à une réalité un peu triste. J'ai le sentiment pénible qu'ils ont fait plein de choses ensemble. Balades, aventures, sorties, soirées, randonnées, sport, tout ce que finalement, nous ne vivons pas tellement ensemble. Bien qu'il prétende être amoureux.

    Et puis je crois que je voulais me rendre jalouse ce soir. J'ai fais un tour sur le blog d'une nana qui l'avait dragué il y a quelques mois en soirée. Une jolie petite blonde, bien jeune, bien fraîche et très avenante, que j'avais détestée car elle avait capté toute l'attention de mon homme pendant toute une soirée. J'avais failli flancher. Fort heureusement, mes meilleures amies étaient là ce soir là, et nous échangions nos impressions. Je piétinais : "Mais regardez-le !!! et elle !!" et elles, solidaires, feignaient ou ressentaient vraiment le scandale. Ca jasait dans tous les sens, mais qu'est-ce que j'ai eu mal ...


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  • Milieu de semaine. Ma vie suit son petit cours tranquille sans passion.



    Je réalise que je suis devenue hermétique au sport. Il est loin le temps où j'arpentais la salle de sport tous les jours, quand le chomage me poussait à l'oisiveté. Pourtant, je ne m'aimais pas davantage. Je n'entrevoyais rien de grâcieux en moi que la première partie de cet adjectif d'ailleurs : grâce, devenue grasse ... graisse, boule, replette, flasque, ronde ... tout ce que je suis, et me caractérise si bien.



    Je suis passée deux fois sur le billard pour aspirer ma graisse incommodante. Tout cela pour me détester encore plus aujourd'hui. C'est fou n'est-ce pas ? Je pensais que cela allait changer ma vie. Marre des petits cons qui s'octroyaient le droit de me juger "grosse" tout cela parce qu'ils m'accueillaient dans leur lit -ou pas d'ailleurs- et se sentaient alors investis d'une mission extraordinaire.



    Cela n'a rien changé, et je m'en veux encore plus aujourd'hui. Parfois je voudrais attraper de mes propres mains cette abondance de graisse et l'arracher avec rage. C'est bien entendu parfaitement absurde et ridicule, mais l'image me prend de plein fouet quand je sors de la douche et que j'ai face à moi ce cul propulent, ce ventre qui semble avoir porté deux couches déjà.



     


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  • Cet homme là doit avoir 45 ans, pas plus.

    Grand, effilé, le regard qui ne laisse rien au hasard. Je perçois de l'intelligence dans ses yeux, une intelligence teintée de perversité. Un sourire en coin, le pas léger, propre sur lui. Je n'aime pas la courbe que prennent ses sourcils, trop relevés pour lui donner un air bon. Parois je me dis qu'il ressemble à un Diable.

    Tout à l'heure, il s'est arrêté devant la porte de mon bureau, sans but apparent. La tête inclinée, il scrutait le sol comme s'il y lisait quelque chose. Il a posé sa main sur sa tête, dans un geste de totale concentration. Je suis restée perplexe derrière mon bureau, je me sentais toute petite. Si j'avais pu par la force de l'esprit, fermer sur lui cette porte qui pouvait être ma seule protection ...

    Derrière cette apparence si calme, si silencieuse, je sentais comme un feu s'embraser dans son esprit, et le mien s'étourdir, et paniquer légèrement. Qu'allait-il faire, qu'allait-il dire cette fois encore, qui puisse m'humilier une fois de plus ? Solennel instant de solitude.

    Puis il a tourné les talons. Silencieux, le pas léger.

    Et c'est ainsi tout le temps.

    Parfois il ose franchir ma porte, s'assoir face à moi. Il soupire, ne dit rien. C'est peut-être pire. Je lis dans ses yeux le mépris, teinté d'une évidente exaspération de ma personne, et la certitude que je suis bête. Il m'a fallu du temps pour comprendre que cet homme, mon Supérieur hiérarchique, n'avait aucune indifférence à mon égard. Plus encore, il a trouvé de l'amusement, de la distraction, et de la vanité, à me rabaisser. Si je n'étais plus là, que deviendrait-il ?

     

     


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